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Une approche organisationnelle co-crÉative

 Par Manon Gaudreau, traduit de l'anglais par Marie-Josée Veilleux       printer version PDF imprimable
 Courriel: manon@ncf.ca
 Paru en Octobre 2003 dans la revue Aube

Contexte

Mon expérience organisationnelle m’a fait connaître les règles d’un système hiérarchique et la frustration des procédures et de la bureaucratie : comités étudiants, conseils d’administration, réunions d’affaires, associations professionnelles et de propriétaires de condominiums.

Puis, j’ai découvert tout un monde de possibilités lorsque j’ai participé à des groupes de soutien, co-organisé des rassemblements yogique, codirigé une petite entreprise, partagé mon cœur dans des rencontres communautaires et animé des réunions de création de choix et de résolution de conflits. C’était un tout autre monde tissé de confiance, d’engagement, de coopération, de vérité, d’abandon, de respect, de compassion, de responsabilité, d’écoute et d’évolution.

J’ai initialement documenté cette approche co-créative en 1995 pour le Centre de yoga Kripalu, à Ottawa. À l’époque, l’organisation s’est affranchi de sa vieille peau hiérarchique et a choisi d’expérimenter l’approche co-créative décrite ici. L’approche a été conçue avec le soutien et l’inspiration de collègues avisés  envers lesquels je suis très reconnaissante. L’approche co-créative a simplifié le fonctionnement du centre, a redonné le pouvoir aux membres et a instauré un nouvel esprit communautaire. 

Introduction

L’approche organisationnelle co-créative est basée sur les Principes directeurs de base énumérés dans la première section. L’engagement envers ces principes constitue le fondement de l’approche.

Les deux sections suivantes, Activité communautaire et Fonctionnement organisationnel, expliquent le fonctionnement de l’approche.

Puis, les aspects pratiques de l’approche sont décrits sous les trois titres : Structure organisationnelle, Satisfaire aux exigences légales et Directives sur le fonctionnement.

La sagesse et la maturité sont des éléments essentiels de cette approche co-créative. Celle-ci est un contenant, et la qualité des résultats dépend de la qualité des ingrédients : engagement vis-à-vis les Principes directeurs de base, connaissance de soi, capacité à abandonner son intérêt personnel et à servir la collectivité, aptitudes interpersonnelles et sociales. Il est donc approprié de définir un processus de sélection des membres et de recommander des ressources pour la croissance personnelle.

L’appendice suggère une liste de Qualités et habiletés personnelles ainsi que des références sur des Processus de groupe et la croissance personnelle.

Principes directeurs de base

*   Avoir confiance en l’Esprit et écouter sa voix intérieure
*   S’engager dans la co-création, le partenariat et le partage des pouvoirs
*   Agir avec intégrité au service de la communauté
*   Faire de la vérité le fondement de notre connexion
*   S’ouvrir au changement qui germe de l’intérieur
*   Parvenir à des ententes plutôt que d’appliquer des règles
*   Construire la communauté en créant des liens plutôt qu’en établissant des échelons hierarchiques.
*   Créer une ouverture par la confiance et l’abandon du contrôle
*   Accueillir la diversité et honorer l’unique contribution de chacun
*   Créer l’espace permettant à tous d’avoir plus de pouvoir
*   Laisser l’enthousiasme émerger
*   Être à l’écoute de ce qui cherche à naître
*   Prendre des risques et apprendre des erreurs

Activité communautaire

Dans une communauté ou un réseau de communautés, les activités représentent l’énergie collective, c’est-à-dire la somme de l’énergie, de la passion et de l’intérêt des membres. Si quelqu’un a l’énergie pour faire une chose, il la fait. Sinon, il ne la fait pas. Quand plusieurs membres partagent une passion, sans que ce soit nécessairement tous les membres, une activité communautaire est co-créée. La diversité est honorée.

Cependant, une seule personne qui fait quelque chose n’est pas une activité communautaire. C’est une initiative personnelle qui sert l’intérêt de cette personne, et ce, même si l’initiative est motivée par un désir de servir la communauté. Si la communauté n’en a pas exprimé le besoin et n’a pas alloué d’énergie collective pour la concrétisation de cette initiative, alors personne ne peut prétendre que l’initiative sert la communauté. Elle sert une personne qui n’abandonne pas son intérêt personnel et qui veut contrôler la situation.

Aucune activité soi-disant communautaire ne devrait être entreprise ou soutenue par les efforts et le sacrifice d’une seule personne. Si une corvée communautaire doit être faite, elle doit être prise en charge par la communauté et non déléguée à une minorité ou à un sauveur. Toutefois, la communauté peut choisir de désigner quelqu’un pour accomplir la tâche. Le choix doit venir de la communauté, non de celui qui accomplit la tâche, sinon, ce dernier sert son intérêt personnel.

Fonctionnement organisationnel

Dans une approche hiérarchique, les décisions sont prises par des directeurs. Puis, les décisions sont exécutées par un comité exécutif. Les sous-comités agissent comme des conseillers ou des exécutants. Les membres de ces corps sont élus ou nommés par un autre corps administratif. Les membres ordinaires de l’organisation ont le droit de vote à l’assemblée générale annuelle. Le droit de vote ne peut être exercé que lorsque l’assemblée a le quorum, soit lorsqu’on considère que les personnes présentes représentent la majorité des membres votants.

Dans l’approche co-créative décrite ici, il n’y a ni hiérarchie, ni élection, ni autorité qui prend les décisions pour les autres. Personne n’a des comptes à rendre aux administrateurs. Il n’y a aucune procédure de vote ni bureaucratie.

Le fonctionnement des activités de l’organisation est basé sur un processus co-créatif dans lequel tous les membres sont en partenariat. Tous les partenaires se partagent le leadership. Il n’y a pas de dirigeant en charge. Les décisions ne sont pas prises par un petit groupe de représentants de l’autorité. L’élément opérationnel de ce modèle s’appelle le Cercle.

Un cercle est une équipe de travail. Le mot cercle indique qu’au moment où l’équipe se rencontre, ses membres s’assoient en cercle, car ils sont tous considérés comme égaux. Personne ne s’assoit en avant pour jouer le rôle du chef de l’équipe. Les membres se partagent l’animation des réunions. L’animateur n’agit pas en tant que chef, mais il est au service de l’équipe. Parfois, un animateur externe peut être invité.

Il faut un minimum de trois personnes pour qu’un cercle existe. Les cercles fonctionnent en parvenant à des ententes par consensus plutôt qu’en prenant des décisions basées sur la majorité. Certain membres s’engagent à participer régulièrement aux rencontres pour assurer une continuité. Toutefois, chaque réunion est ouverte à tous les membres de l’organisation
Bien que les fonctions puissent être les mêmes que celles qui sont définies dans une approche hiérarchique, la différence est dans la relation entre les gens. Les rôles dans l’organisation sont choisis par un processus d’auto-sélection. Les volontaires s’engagent dans une fonction déterminée ou à participer à un cercle déterminé pour une période de temps précise, avec l’accord des autres membres.

Bien que l’auto-sélection implique que des personnes se portent volontaire pour devenir membre engagé d’un cercle ou exécuter une fonction déterminée dans le cercle, les autres membres doivent entériner le résultat de l’auto-sélection.

L’organisation peut comprendre plusieurs cercles ayant des rôles différents. Tous les cercles sont considérés comme égaux. Aucun cercle n’est assujetti à un autre. Tous les cercles interagissent en partenariat avec les autres cercles, au besoin. 

Structure organisationnelle

Le cercle des membres : tous les membres d’une organisation sont invités à participer à une rencontre annuelle du cercle des membres, semblable à une assemblée générale annuelle. Le cercle des membres a la responsabilité du processus officiel d’auto-sélection des membres du Conseil. Le cercle des membres est également une occasion de reconnaissances, d’échange d’information, et permet d’avoir un aperçu du fonctionnement global, une vision et une mission de l’ensemble de l’organisation pour célébrer l’esprit de la communauté.

Conseil : un minimum de trois volontaires est requis pour former le Conseil, sinon, l’organisation n’est pas créée ou cesse d’exister. Idéalement, le Conseil ne devrait pas comprendre plus de huit membres. Le rôle du Conseil est de gérer le fonctionnement pratique de l’organisation. Il a le même statut que tout autre cercle. Le Conseil est une équipe ayant un rôle différent, mais n’est pas en charge des autres cercles.

Le Conseil accomplit les fonctions administratives de base de l’organisation. Au sein du Conseil, les participants choisissent eux-mêmes leurs fonctions, y compris celles de trésorier, secrétaire et porte-parole/président, au besoin. Les participants au Conseil s’engagent à assister à une réunion mensuelle. Celle-ci dure une heure ou deux, valorise le temps et minimise l’énergie dépensée dans les réunions. Tout ce qui peut être fait dans ce délai est fait. Ce qui n’est pas fait n’est pas fait. Il n’y a aucun attachement aux résultats. Cependant,  si le Conseil a l’enthousiasme et l’énergie de se rencontrer plus souvent ou pendant plus longtemps, il peut le faire en autant que cela ne devienne pas un sacrifice.

Cercles additionnels : d’autres cercles peuvent se former et se dissoudre au fil des passions. Ils grossissent en nombre à mesure que l’enthousiasme émerge de l’intérieur de la communauté. Un cercle peut être créé pour organiser et soutenir une activité, un projet ou un service aux membres, un travail de gestion ou pour décentraliser une activité.

Ces autres cercles émergent du Conseil ou sont engendrés par lui. Pour former un nouveau cercle, une proposition est présentée au Conseil en vue d’en arriver à une entente sur le projet proposé. Au moins trois personnes doivent participer à la présentation de leur projet et s’engager à le mener à terme. Un cercle fonctionne alors comme une entité autonome, en autant qu’il met en application les Principes directeurs de base et travaille en collaboration avec les autres membres de l’organisation. Un représentant du cercle peut parfois devoir participer à une réunion du Conseil pour partager de l’information ou faire des demandes comme l’attribution de budget. Si à un moment donné, le nombre de participants engagés dans un cercle tombe à moins de trois, le cercle cesse de fonctionner.

La somme de l’énergie qui bouillonne au sein d’une organisation donne à celle-ci sa vitalité et peut varier avec le temps. Les activités peuvent être créées spontanément à mesure que la passion se manifeste en action. 

Satisfaire aux exigences légales

Si l’organisation est une corporation ayant des exigences légales, les fonctions légales doivent être clairement définies pour que les exigences légales soient satisfaites sans compromettre l’approche co-créative.

Dans le Conseil, trois personnes se portent volontaires pour effectuer les fonctions légales de trésorier, secrétaire et président. Ces personnes se partagent la responsabilité d’administrer l'argent, de signer des contrats, de remplir les rapports d’impôt, de produire et de garder les dossiers légaux, d’organiser et de convoquer l’assemblée générale annuelle (AGA).

Une partie de la rencontre annuelle du cercle des membres doit être réservée pour faire l ‘AGA. Cet AGA n’est q’une formalité qui servira à documenter les ententes préalablement conclues pendant la rencontre co-créative, satisfaisant ainsi aux exigences légales.  

Directives sur le fonctionnement

Bien qu’une personne soit considérée comme présidente du Conseil, elle n’est pas le chef de l’organisation, mais une représentante qui peut parler au nom de l’organisation. Un nom plus approprié pourrait être agent de relations publiques ou porte-parole.

D’autres membres du Conseil pourront jouer le rôle de liaison avec les autres cercles ou avec d’autres organismes externes.

La présence et la participation de gens matures (anciens) d’expérience au sein du Conseil apportera à celui-ci un élément de sagesse et fournira des exemples de comportement co-créateurs.
L’animation de la rencontre d’un cercle alternera entre ses membres. L’animateur ou l’animatrice est choisi(e) à la réunion précédente pour lui permettre de  recueillir des points à soumettre aux membres pour discussion. Tout participant à la réunion peut aussi soulever des points à la réunion elle-même.

Le fait de s’asseoir en cercle permet à tous de se sentir inclus et favorise une bonne communication.

La réunion commence et se termine par un rituel de centration dirigé par l’animateur. Durant la réunion, tout membre peut demander une recentration si la discussion n’est pas productive. Il est bon de choisir une personne qui joue le rôle de questionner « sommes-nous centrés et ancrés dans nos principes de base? » tout au long de la rencontre.

Dans le cas d’un conflit non résolu dans le cercle, il est recommandé de recourir à un animateur extérieur compétent. 

Si un membre engagé du Conseil n’est pas disponible pour un certain temps, une autre personne peut être invitée pour remplir la fonction du membre. Au cours de l’année, les membres du Conseil peuvent se redistribuer le partage des responsabilités.

Si le Conseil se sent surchargé de responsabilités, il doit considérer une forme de décentralisation en créant un autre cercle, tout en se rappelant qu’il ne s’agit pas d’une délégation, mais d’une définition d’une autre fonction autonome. SI des ressources additionnelles ne sont pas disponibles (sous la forme d’autres personnes formant un nouveau cercle), le Conseil doit accepter de réduire son niveau d’activité. Épuiser des volontaires ne sert à rien.

Les directives du Conseil s’appliquent également aux autres cercles de l’organisation.

Les réunions n’ont pas toujours lieu face à face. Certaines rencontres peuvent se faire par téléphone (conférence téléphonique) ou par Internet. Dans ce cas, il est bénéfique d’établir des protocoles de réunions ou de discussions étalées pour éviter une surcharge d’information, maintenir un bel esprit d’équipe ainsi que de promouvoir des discussions productives et la création fertile d’ententes.

Conclusion

L’approche co-créative décrite ici est appliquée avec succès depuis plusieurs années par une organisation. Ses membres, qui pratiquent le yoga, ont un fondement spirituel commun.

Je crois que cette approche peut être mise en application dans une organisation ayant un contexte différent puisque son application est fondée sur des principes universels.

Je pense également qu’avoir un fondement spirituel constitue un atout. De plus, les gens ayant divers antécédents spirituels peuvent se rassembler s’ils sont capables de transcender leurs antécédents respectifs pour former une collectivité. Leur force individuelle, enracinée dans leurs valeurs et leur pratique spirituelle, enrichira la collectivité.

La collectivité doit définir et mettre en pratique ses propres rituels pour se soutenir au-delà de l’application d’une structure organisationnelle et d’un processus de prise de décision et au-delà des pratiques spirituelles individuelles. Ces rituels collectifs reconnaîtront les talents et les contributions de ses membres et célébreront l’esprit communautaire.

Vous êtes invités à me faire part de vos commentaires et de vos questions. J’ai hâte d’apprendre de vos expériences. 

Appendice 1 — Qualités et habiletés personnelles

Nous sommes tous interreliés. Quand nous partageons nos talents, nous enrichissons notre vie individuelle et collective. De même, quand nous mettons en commun nos incapacités et nos échecs, nous contribuons à notre médiocrité, individuelle et collective.

La communauté multiplie notre pouvoir, celui d’enrichir notre vie ou de la rendre misérable.

Marianne Williamson a écrit : « Notre pouvoir se trouve dans notre compréhension du rôle que peut jouer notre travail dans la création d’un monde meilleur. »

Une collectivité bénéficie des talents et habiletés de ses membres. Certains sont énumérés ici. L’individu et la collectivité partagent la responsabilité de développer ces aptitudes . Chaque personne poursuit sa propre croissance, et tous les membres de la collectivité se supportent mutuellement dans leur évolution

*    Connaissance de soi : connaître ce qui nous est utile et ce qui ne l'est pas, nos forces et nos faiblesses, nos talents et notre valeur
*    Observation de soi : être son propre témoin
*    Contrôle de soi : gérer ses émotions
*    Amour, acceptation et pardon de soi : il est permis de ne pas être parfait, de faire des erreurs.
*    Accepter la critique
*    Confiance en soi, motivation
*    Responsabilisation : se garder équilibré, en santé et heureux, satisfaire ses besoins physiques, affectifs et spirituels.
*    Être responsable de ses actions ou de sa passivité.
*    Intimité avec soi-même et avec les autres
*    Capacité de vivre seul et se sentir complet en soi-même
*    Capacité de donner et de recevoir
*    Abandonner son intérêt personnel pour servir la collectivité
*    S’abandonner à ce qui est
*    Créativité
*    Engagement : la participation est un choix, réévaluer et rechoisir son engagement;
*    Communiquer avec intégrité, dire sa vérité, dire ce qu’on ressent, ressentir ce qu’on dit, exprimer ses opinions, ses désirs et ses émotions
*    Respecter les divergences d’opinion, de désirs et d’émotions
*    Compassion envers soi-même et les autres
*    Présence
*    Écouter les autres avec respect
*    Empathie : identifier les émotions chez les autres
*    Apprécier ses contributions et prendre la responsabilité d’être reconnu
*    Exprimer son appréciation des autres
*    Chercher les problèmes non réglés en soi qui créent une réaction dans le comportement des autres
*    Maintenir l’harmonie avec les autres : prendre le temps d’établir des liens et de résoudre les conflits
*    Régler les problèmes de manière constructive : proposer des solutions lorsqu’on évoque un problème
*    Apprendre des expériences : faire ce qui fonctionne et arrêter de faire ce qui ne fonctionne pas
*    Être un leader désintéressé
*    Créer la joie, la beauté et la paix dans sa vie et dans ses relations

De même, il convient de déceler les comportements suivants :

*    Personnalité égocentrique
*    Manipulation
*    Compulsions
*    Addictions
*    Victime sans défense
*    Acheteur compulsif
*    Dépendance
*    Ermite
*    Abus
*    Être sur la défensive

Certaines personnes sont attirées par les communautés pour compenser leurs faiblesses sociales ou relationnelles. Ces personnes bénéficieraient davantage à recourir à l’aide professionnelle et à participer à des ateliers de croissance personnelle et à des groupes de soutien.

Appendice 2 — Processus de groupes et croissance personnelle 

Processus de groupe ou de réunion :

Croissance personnelle:

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